mercredi 18 mai 2022

Vieux loups de mer : Séance n°5 - samedi 12 février 2022

Proposition d'écriture n°7 : magie de la photographie

Observons une photographie en noir & blanc. De quoi s'agit-il ? Qu'est-ce que la ou le photographe a cherché à mettre en valeur ? Que ressentez-vous face à cette mise en scène ? Racontez vos impressions en faisant le tour des protagonistes : photographe, clown, éléphant et peut-être autour de la piste, plongés dans le noir, les spectateurs. Puis, donnez un titre à votre récit.

Alexis Gruss - 1999

 Triste cirque - Bérénice (14 ans)

Les lumières s'éteignent. La piste est plongée dans le noir. Un projecteur se braque sur moi, me dévoilant aux yeux du public. Ils ont l'air émerveillé. Mais le sont-ils vraiment ? Seraient-ils venus pour briser la routine monotone et pour apporter un peu de joie à leur triste vie ? C'est le clou du spectacle. Il ne faut pas que je fasse tout rater. Mon regard balaie la salle et je vois des enfants innocents qui me regardent, ébahis. Leurs parents sont derrière. Ils les surveillent plus qu'ils ne profitent de la représentation. Aurais-je pu vivre cela ? Vivre une vie normale au lieu d'être arraché de mon cocon familial, de ma maison par une troupe ambulante ? Mes parents ont-ils lutté pour ne pas me laisser partir ? Ont-ils essayé de me chercher ? Je ne saurais jamais. Je dois tout le temps jouer un rôle, tout le temps faire des tours pour faire rire les gens, mais jamais je ne peux être moi-même quand j'entre sur la piste. Je ne pourrais jamais trouver ma vraie nature. J'ai été réduit à l'état d'une bête de foire, sans sentiment.

Dialogue muet ou Camille - Charlotte (15 ans) 

Et puis soudain son regard. Son regard froid, son teint pâle.

- Qu'est-ce que tu fais là ? me criaient ses yeux.

-  J'attends Camille. Camille va arriver.

Ses bras s'articulaient dans de grands gestes inutiles. Voici l'éléphant, l'éléphant va sauter. Camille arriverait pour le dresser.

- Parceque tu crois qu'elle t'aime après ce que tu lui as fait ?

- Bien sûr Camille a compris. C'est même certain. Elle savait que je reviendrais les chercher, son éléphant et elle. Camille va arriver.

L'éléphant court, court autour de la piste.

- Non tu es égoïste, tu es partie pour toi. Tu n'as pas pensé à ta belle acrobate.

- Non il y a une lettre. Je lui ai tout expliqué.

- Parceque tu crois que je la lui ai donnée ? Les gens de votre espèce ne devraient pas exister.

La canne fouette l'air et l'éléphant s'assied.

- Mais puisque tu es partie, vole seule maintenant. Vole sans Camille, Camille vivra sans toi.

- Non c'est faux vous mentez. Camille m'attendra. Elle m'a prise dans son coeur et on vivra tous les 3, elle, son éléphant et moi.

- Non n'attend pas Camille, Camille ne viendra pas. Camille est renvoyée, Camille n'arrivera pas.

Une étincelle d'amour dans les ténèbres de haine - Keryan (13 ans) 

 Je ne me souviens plus depuis combien de temps j'y suis, depuis combien de temps j'enchaîne les représentations, depuis combien de temps le fouet s'abat sur moi, depuis combien de temps dure cet enfer. Hier était un jour important, le spectacle décidait de l'avenir du cirque mais j'ai craqué, je suis tombé en arrière lors de mon tour, lorsque le moment était venu de poser debout, comme un humain. Mais je ne le suis pas et c'est pourquoi ils me fouettent depuis hier, en punition. Mon dresseur, présent sur scène lors de ma chute, a préféré rattraper la situation plutôt que de "me" rattraper, après tout, je ne suis qu'un animal... Aujourd'hui aussi c'est important, les photographes sont venus, ils vont durcir les règles et promettent de me remplacer au moindre faux pas. Moi, c'est tout ce que j'attends, me faire remplacer mais je ne sais pas où ils vont m'abandonner. Un peu avant que ça commence, mon dresseur s'approche, essayant de me réconforter, me parlant doucement avec son charabia que seul son espèce peut comprendre. Il me donne un bonbon, mon tout premier. Juste pour ça, juste pour ce geste, je me promets de ne pas abandonner. Sans lui, je ne serais plus sur cette terre. Sans lui, personne ne serait venu voir le cirque, le public décide si oui ou non, je peux rester. Lui, il créé un lien entre eux et moi. C'est la seule raison qui me pousse à rester.

Le sait-il ? - Paquita 

Si je me dressais sur mes pattes arrière, je serai beaucoup plus grand que lui. Si ma patte arrière glissait et qu'en essayant de me rattraper, j'envoyais ma patte avant sur son chapeau blanc qui abrite son crâne si petit, si fragile, sans doute, il s'aplatirait comme une coquille d’œuf auréolée de rouge... Alors la fleur écarlate de son sang mettrait un terme à mes douleurs. Le sait-il seulement ? Sait-il à quoi je rêve lorsqu'il fait claquer son fouet, lorsque son regard croise le mien sans le voir ? Pendant que je tourne sur moi-même dans une prouesse toujours renouvelée, impropre à mon corps et à mes désirs, contraint par sa volonté et ses soins. Que m'importe à moi d'être dans la lumière, les costumes, les paillettes, la fanfare, les rires, l'agitation de cette caverne sans arbres centenaires, sans oiseaux, sans l'odeur de la savane, sans soleil pour réchauffer ma peau, mes os et faire fleurir la vie. Le sait-il ? 

Un moment de joie et de froid - Terence (13 ans) 

Le cirque ? Quelle idée... Je n'avais jamais eu l'occasion de voir une véritable représentation, cela me paraissait intéressant... Un jour, un ami à moi travaillant dans la photographie me proposa d'y aller avec lui, car on lui avait commandé une photo du spectacle. Je ne vis aucune raison de refuser. C'est donc ainsi que je me retrouvais avec lui dans le public. Je n'étais pas particulièrement impatient jusqu'à ce que les premiers numéros défilent. J'étais impressionné par les capacités des artistes et réfléchissait aux nombreuses heures qu'ils avaient dû passer à s'entraîner. Je voyais mon ami assit près de moi, guetter, cherchant le bon angle et la bonne lumière pour ses photos. Le spectacle se poursuivit dans une certaine joie, jusqu'à ce numéro... Un clown, type de numéro que je n’apprécie que très peu, entrait sur la piste, accompagné d'un éléphant majestueux. L'ambiance différait de celle présentée précédemment, plus froide et malheureuse. Qui plus est, ceci était accentué par le manque de lumière et le visage poudreux et impassible de l'artiste. C'est le moment que choisit mon ami pour prendre sa première photo et quand je reverrai par la suite celle-ci, elle me rappellerait effectivement la sensation de froideur que j'eus à ce moment là. Le numéro était certes assez impressionnant mais lorsqu'il s'acheva, je sentis que l'ambiance bon enfant du spectacle s'était dégradée et que je n'étais pas le seul à l'avoir ressenti. L'éléphant sortit de la piste l'air fatigué et désinvolte suivi par son dresseur, ce clown moitié impressionnant, moitié déprimant. Le reste du spectacle se déroula de manière moins mémorable et peu à peu, l'ambiance de joie réapparut jusqu'à la fin de la représentation. En sortant du cirque, je gardais un souvenir fort du numéro impliquant l'éléphant. Chaque fois que je vois cette photo prise ce jour là par mon ami, je ressens cette sensation de froid et de vide. Pour quelle raison, je l'ignore mais il est indéniable que ma première impression du cirque, avait été suffisamment forte pour ne plus mépriser l'intérêt de cet art. Et ce n'était certainement pas la dernière fois que je m'y rendrais...

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